Erasmus+ : à quand un retour de la Suisse ?

Ce jeudi 26 octobre, notre séance de la Commission de la Science, de l’Éducation et la Culture (CSEC) du Conseil national était consacrée à la participation suisse à Erasmus+. Alors que le programme européen d’échanges étudiants et de mobilité des jeunes fête cette année ses 30 ans, la Suisse n’y est plus pleinement associée depuis le vote du 9 février 2014 sur l’immigration. En effet, notre pays avait alors été écarté et se trouve depuis lors relégué, comme pays tiers, dans le groupe « Région 5 », avec Monaco, Andorre, St-Marin et le Vatican. Une situation catastrophique pour les jeunes Suisse-sse-s et pour notre système de formation.
Pour y remédier, le Conseil fédéral a mis en place en 2014 une solution transitoire valable jusqu’à fin 2017, connue par les étudiant-e-s sous le nom de Swiss-European Mobility Program (SEMP). Le Conseil fédéral propose à présent de prolonger cette solution jusqu’à fin 2020, pour un montant de 114.5 millions de francs.
S’il est évidemment mieux de proposer une alternative que rien du tout, nous craignons que cette solution transitoire ne finisse par durer. J’avais donc déposé au mois de juin une motion – co-signée par des élu-e-s de tous les partis sauf l’UDC – pour demander une reprise des négociations avec l’Union européenne en vue d’une pleine association à Erasmus+ en 2018. Une pétition similaire a été déposée en août avec plus de 10’000 signatures.

En effet, la solution transitoire n’est de loin pas équivalente au programme Erasmus+ et pose toute une série de problèmes :

  • Sur la pure mobilité individuelle, la solution transitoire pose des problèmes de financement (mobilité entrante) et restreint les possibilités des jeunes. La Suisse est par exemple privée de l’accès à la mobilité extra-européenne (en plein développement, notamment avec l’Asie). La formation professionnelle n’est prise en compte que de façon marginale, ce qui est regrettable pour les apprenti-e-s de notre pays.
  • Le fait de ne pas être pleinement associés à Erasmus+ nous empêche d’influencer le développement du programme. La Suisse n’a plus non plus la possibilité de contribuer aux réformes politiques dans l’enseignement supérieur et la formation professionnelle.
  • Surtout, la solution transitoire est très négative pour nos hautes écoles, comme le montre le plaidoyer de swissuniversities. Les universités, HEP et HES suisses n’ont plus la possibilité de diriger et d’initier des projets de coopération, qui sont pourtant essentiels pour leur développement. A titre d’exemple, la HES-SO a été contrainte de renoncer à la coordination d’un partenariat dans le domaine de la formation des professionnels de la santé. L’Université de Lausanne a elle aussi dû abandonner le leadership d’un projet. C’est donc une perte d’influence et de visibilité pour nos hautes écoles. Enfin, sans association à Erasmus+, nos écoles doivent développer des relations bilatérales avec près de 500 universités européennes. Et donc supporter des charges administratives et des coûts importants. Sans compter que certaines universités, dont Madrid et Cambridge, ont décidé de ne plus traiter avec nos universités.
  • Les dégâts sont conséquents pour la Suisse, nos écoles et les jeunes. Repousser l’association à Erasmus semble anodin pour le Conseil fédéral, qui ne réalise pas que ce sont en fait des générations de jeunes dont les possibilités de mobilité en Europe sont réduites. La limitation de ces opportunités a également des conséquences sur leur avenir professionnel : un-e étudiant-e ayant participé à Erasmus à 40% de chance en plus de trouver en emploi ensuite.

En résumé, nous assistons à des économies sur le dos de la jeunesse. La solution transitoire coûte certes moins cher mais elle fait du tort à nos hautes écoles, marginalise notre formation professionnelle, n’offre aucune stabilité à long terme et limite fortement les possibilités des jeunes de notre pays.
La Commission de l’Éducation a donc décidé d’une part de soutenir le prolongement de la solution transitoire jusqu’en 2020 (malgré l’opposition de l’UDC qui ne souhaite que la suppression pure et simple des programmes de mobilité), mais de voter en plus une motion demandant au Conseil fédéral de reprendre immédiatement les négociations avec l’Union européenne, en vue d’une pleine association au programme Erasmus à partir de 2021.

Investir dans Erasmus, c’est investir dans le futur de notre pays. C’est soutenir nos hautes écoles et notre système de formation professionnelle. C’est offrir aux jeunes des opportunités de mobilité dans toute l’Europe, et même au-delà.